Je faisais part à Tristan Nitot, dans un commentaire à son article consacré brièvement au filtrage sur le net et la loi Loppsi2, d’une réflexion que je me fais depuis fort longtemps et qui concerne la difficulté des gouvernances à gérer leur propre besoin de changement.
Je m’explique, Internet a peu ou prou fait la preuve de sa capacité à s’auto-administrer et s’autoréguler ; et c’est précisément ce qui, de mon point de vue, fait peur au gouvernance. Cette capacité d’auto-organisation vient directement interpeller, oserai-je dire challenger, leur rôle dans la société civile. Et c’est là que nos gouvernants auraient grand besoin de changer, en acceptant de perdre le contrôle, pour le contrôle, et en s’orientant vers une gouvernance ressource qui se mettrait au service d’un projet de société dessiné depuis et par la base
Alors, pourquoi diable cela ne fonctionne-t-il pas ainsi ?
Deux raisons qu’il conviendrait de détailler :
Le manque de vision et de projets pour une société en devenir et en émergence ! Il s’agit là de répondre à une seule question que tout le monde se pose : » Dîtes nous comment nos enfants et nos petits enfants vont vivre ? « . Cette vision ou ce projet de société constituerait le socle à partir duquel, chacun élaborerait ses propres finalités tout en se mettant au service du collectif. Alors évidemment sans vision commune et partagée, il est difficile :
- d’entrer dans la confiance et par voie de conséquence, de lâcher le contrôle sans avoir peur d’être dépassé par un projet que l’on ne maîtrise plus,
- de cadrer c’est à dire de fournir un cadre suffisamment sécurisé à l’intérieur duquel les parties prenantes vont pouvoir donner libre court à leur créativité.
Et sans vision, comment donner l’envie d’aller au-delà, de se faire confiance, de risquer le pas de côté qui permet d’innover, comment inciter, impulser ?
Une question d’ego car la victoire c’est les autres ! Et je crois que là c’est le plus dur, car ceux qui devraient récolter la gloire et les bonus ne sont pas ceux qui pilotent (au sens de lead) les projets ambitieux, ces projets dont on pourrait rêver qu’ils fassent partie de la vision de nos gouvernants. Non ceux-là, la gloire et les honneurs ils l’auront.
Par contre, ceux vers qui 80 % des signes de reconnaissance devraient aller, sont précisément tous ceux et celles qui, dans l’ombre, font en sorte que le projet fonctionne et dépasse ses objectifs. Mais, cela signifie d’abandonner une partie de son ego, une partie de cette croyance qui nous inviter souvent à dire « Vous savez c’est grâce à moi … »
Et là pour changer, il me semble que nos gouvernances ont beaucoup à apprendre … de l’internet car, si internet et le monde du libre associé ont su élaborer un modèle performant, c’est précisément :
- que les leaders de projets ont su transformer leur leadership en devenant « porteur de sens », devenant ressource pour les projets et pour leurs équipes ; que ces leaders on su devenir des » leaders 2.0 » qui ne décident plus mais qui impulsent, des leaders qui soutiennent, qui stimulent, des leaders qui félicitent, qui remercient ;
- que les petites fourmis, quelque soit leur niveau d’investissement, sont fières de pouvoir dire « j’y suis ou j’y étais « , fières d’arborer le dernier tea-shirt de leur distribution ou freeware préférés, fières d’être actrices, fières de s’inscrire dans une vision du monde, fières d’appartenir de près ou de loin à des projets ambitieux, vivant d’avoir envie, de se sentir en vie, prêt à aller au-delà, pleines d’ambition et se faisant confiance. C’est réconfortées de ces signes de reconnaissances, de cette fierté, de ce sentiment d’appartenance, que les petites fourmis ont appris à s’auto-organiser, à s’auto-réguler (au sens dynamique du terme) pour ne pas perdre ces cadeaux cachés.
Alors, ce modèle, qui a démontré sa force, fait peur aujourd’hui non pas en tant que tel, mais par le contraste qu’il propose à voir … alors coûte que coûte, le travail est à l’estompe, au gommage des différences. C’est certainement dommage car le basculement observable au-sein du microcosme du numérique est en train de gagner toute la société et il serait urgent, au risque sinon de se retrouver profondément en manque de cohérence, que nos gouvernants puissent envisager ce changement profond de posture, en commençant déjà pour eux-même à se demander pourquoi il est si difficile de changer ?
La peur paralyse nos actions et bien plus encore! C’est le refus d’accepter l’autre comme une richesse à partager et à développer. Que ce soit au quotidien, dans nos vies professionnelles ou extra-professionnelles, le développement individuel et collectif passe avant tout par une certaine abnégation de soi. Attitude qui contrairement à ce que l’on pourrait penser consiste à montrer l’exemple de l’humilité, à l’opposé de la flatterie de son ego. Mais ce dernier est renforcé par la peur de l’erreur, de l’échec et par contre coup de la perte de contrôle. Contrôle d’ailleurs bien limité qui empêche le plein développement de l’autre pour en terminer bien souvent par un blocage total.
Oui que de chemin à parcourir encore dans une société tournée vers le résultat immédiat alors même que l’amélioration pas à pas, le Kaizen cher à nos amis japonais, adoucirait les comportements dans une perspective porteuse de sens dans l’action.
Merci pour cet article bien agréable et méditatif!